Gilberto Penzo est un homme orchestre, normal pour un italien vénitien de surcroit.
Chercheur, dessinateur, modéliste, archéologue naval passionné, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la batellerie de Venise.
Dans sa boutique Calle Saoneri, Sestiere San Polo, vous trouverez les plans et les monographies de quasiment tous les bateaux de la lagune, du moyen âge à nos jours. Cette cité longtemps dépourvue de territoire hors ses îles et ses comptoirs côtiers, exclusivement tournée vers la mer, a engendré tout au long du deuxième millénaire, une innombrable variété de barques et de navires. Son adresse web : http://www.veniceboats.com/
Cliché Gilberto Penzo
Gilberto recense et décrit inlassablement ce patrimoine. Il le met à la disposition du curieux, amoureux de Venise et de son environnement et des modélistes en quête de carènes gracieuses et originales.
Le culte du beau, très italien, très ancien et particulièrement développé à la Renaissance, a envahi la ville, les façades des églises et des palais, comme les modestes constructions : vastes intérieurs somptueux et minuscule casa raffinée, splendeur des innombrables chefs-d'oeuvre des Arts, taillés dans la masse de la pierre ou peints sur les murs. Chaque palais, chaque église est un véritable musée, dans sa décoration comme dans son mobilier.
Cliché Gilberto Penzo
La batellerie de la lagune, pas essence plus fragile et fugace, n'échappe pourtant pas à cet engouement. Laissons de coté pour l'esthétique locale les vaisseaux de guerre du XVIIIe siècle tardivement empruntés à l'Europe du nord, peu aptes à pénétrer dans les hauts fonds de la lagune, et considérons les ancêtres : le célèbre bateau rond, voué au commerce lointain ; la gracieuse galère aux voiles triangulaires, fer de lance de la Dominante sur la Méditerranée ; et surtout la multitude de fines coques du XIXe siècle vouées aux déplacements, aux transports légers et à la pêche : les Vipéra, Topa, Topo, Sanpierota, Mascareta, Sandolo, Galeone, Puparin ; et des Caorlina et Peata, barques de charge plus lourdes jusqu'aux Bragozzo et Trabaccolo de l'Adriatique. Ces élégantes silhouettes multicolores glissaient silencieusement sur le bleu laiteux opalescent de la lagune ou cobalt de l'Adriatique et se faufilaient dans les eaux verdâtres et étroites des canaux. Nulle part au monde vous ne trouverez une forme (le marin dit une carène) aussi élégante et raffinée que celle de la gondole, aussi couverte d'ornementations sculptées, peintes, tissées ; aussi multicolore ou aussi raffinée que ce noir laqué mêlé de métal argenté ou doré, aussi complexe dans sa structure et sa construction.
Cliché Gilberto Penzo
A l'exception de la gondole et de quelques autres survivantes du passé, toutes ces élégantes barques ont disparu au profit d'embarcations motorisées. Mais parmi ces dernières, comment ne pas rêver devant les taxis vénitiens, véritables mini-yachts au style raffiné inventé par Carlo Riva, grand luxe, acajou rutilant et élégance toute italienne ; ni de se serrer à bord des plus économiques et populaires Vaporetti, le bus de Venise, et les Motonave ou Motoscafi, qui relient la ville aux Îles, et plus loin aux ports de l'Adriatique.
Départ pour les Îles au petit matin. Cliché G. Aubry
Gilberto Penzo se fait le chantre et la mémoire de cette marine haute en couleurs. Il la met à portée du nostalgique, de l'esthète, comme de l'amateur averti et du modéliste exigeant avec toute la mémoire de l'historien et la précision du scientifique.
Le calme souverain qui règne, d'ordinaire, sur ces eaux laisse le promeneur rêver et s'alanguir dans une gondole qui glisse au rythme du flot, tantôt roulant tantôt coulant des notes de la "La Tempesta di Mare", l'une des plus belles compositions musicales écrite sur la mer - cette mer - par un Antonio Vivaldi.
Le Grand Canal de nuit depuis le pont de l'Académie. Cliché G. Aubry