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La Molly-Aïda, vapeur péruvien remontant le Rio Pachitea au début du XXe siècle dans le film « Fitzcarraldo », de Werner Herzog.


La Molly-Aïda.

Longueur 40 cm.     Ø 15 cm.


Synopsis  

 

Au début du XXe siècle, après deux échecs dans la construction d’un chemin de fer transamazonien et la production de glace, Brian Sweeney Fitzgerald, un entrepreneur d’origine irlandaise, passablement excentrique et illuminé, passionné de musique lyrique, se lance dans l’exploitation de l’hévéa pour financer la construction d’un Opéra à Iquitos au Pérou. Pour atteindre sa plantation inaccessible en raison de la présence de rapides impossibles à remonter, il imagine de remonter un autre rio parallèle et de faire passer la montagne les séparant à son bateau de plus de 300 tonnes, la Molly-Aïda, aidé en cela par un équipage pittoresque et un groupe d’indiens Jivaros.

 

L'affiche.

 

Le véritable Fitzcarraldo, Carlos Fermín Fitzcarrald, explorateur et baron du caoutchouc, né Fitzgerald d’un père nord-américain et d’une mère péruvienne a bien fait passer une montagne à son bateau à vapeur le Contamana, mais démonté et transporté morceau par morceau. Ce passage situé entre le Rio Mishagua, un affluent de la rivière Urubamba et le Rio Manu, un affluent du Rio Madre de Dios, s’appelle depuis lors l'isthme de Fitzcarrald. Il permit l'exportation de caoutchouc de la région de Madre de Dios vers la rivière Ucayali, un affluent de l’Amazone. Fitzcarrald est décédé en 1897 à l'âge de 35 ans lors de l'accident qui a coulé son vapeur dans les rapides du Rio Urubamba. La province péruvienne de Carlos Fermín Fitzcarrald porte aussi son nom (wwwiquitosnews.com et wikipédia)

 

En remontant le Rio Pachitea.

Les images du film (capture d'écran) sont de Thomas Mauch. 

 

La Molly-Aïda synthétise en fait trois vapeurs identiques, le Nariño I, (presque épave amenée de Colombie sa cale remplie de 600 bidons vides en guise de flotteurs), le Nariño II et la Huallaga, tous trois repeints aux mêmes couleurs par Herzog. Le premier navigue lors du tournage en 1981 sur l’Amazone devant Iquitos, le second est treuillé sur la montagne entre les rios Camisea et Urubamba à 1000 km au sud d’Iquitos, le troisième remonte et descend ces deux mêmes rios - dont le passage spectaculaire des rapides du Pongo de Mainique – puis, l’étrave défoncée, retourne à Iquitos par les rios Urubamba, Ucayali et Amazone pour y filmer l’épilogue. 

 

Herzog devant l'un des vapeurs, probablement le Nariño I. Le metteur en scène et son Amazone à front jaune.

Werner Herzog devant l'un des vapeurs avant peinture, probablement le Nariño 1, et devant le Nariño II avec son perroquet Amazone à front jaune.

© Clichés Les Blank, de "Burden of Dreams", long métrage documentaire tourné durant la production de Fitzcarraldo.


Plusieurs scènes du film sont ici rassemblées : l’apparition fortuite d’une pirogue monoxyle avec une famille d’indiens "Jivaros"  (en fait des Machiguengas, des Ashaninkas ou des Campas, trois groupes de la région), qui observent impavides le passage du vapeur. L’apparition tout aussi fortuite selon le réalisateur d’un parapluie qui descend le rio en solitaire et devient dans le scénario le seul reste d’un missionnaire trop aventureux victime des réducteurs de tête. Le gramophone que Fitzcarraldo (Klaus Kinski) utilise pour diffuser la voix du ténor italien Enrico Caruso dans l’espoir de subjuguer les farouches Jivaros réducteurs de tête. Et enfin la scène finale où Fitzcarraldo en frac savoure au retour sa prouesse en fumant un immense cigare fièrement appuyé sur un improbable fauteuil Voltaire cramoisi.

 

Le Capitaine et Cholo. (2)    Le chef indien.

Le Capitaine, Cholo le mécanitien et le chef indien.


Les principaux rôles sont présents à bord. De la proue à la poupe : sur la passerelle deux Machiguengas, le Capitaine Paul Hittsher, propriétaire d’un restaurant à Iquitos et de la Huallaga, il joue son propre rôle sur son propre bateau ; Hurequeque, cuisinier, du bord, grand amateur de femmes et de tequila (joué par Hurequeque Enrique Bohorquez, dans la vie gérant d’un bar près du Rio Nanay) ; dans les haubans  le chauffeur-mécanicien Cholo (le comédien mexicain Miguel Angel Fuentes) ; trois indiens Machiguengas, puis - anachronique dans le film, mais pas sur le tournage - le metteur en scène Werner Herzog en personne revêtu de son tee-shirt Little Italy - New-York avec son perroquet vert - une Amazone à front jaune - sur l’épaule ; suivent la belle Molly, propriétaire d’une maison de tolérance à Iquitos, amie de Fitzcarraldo et mécène de l’expédition (Claudia Cardinale) et enfin Fitzcarraldo. Le reste de l’équipage s’accoude aux bastingages des entreponts.

Enfin, les passagers indiens, figés dans leur imperturbabilité semblent décalés, acteurs autonomes d’une aventure qui traverse leur jungle exubérante et secrète sans pouvoir vraiment la pénétrer.

 

Sur l'Amazone.

Sur l'Amazone

Molly. (2)     A diffuser du Caruso.

Molly                                                         Fitzcarraldo

Fitzcarraldo triomphant. (5)


Le metteur en scène évoque la « Conquête de l’Inutile » dans ses souvenirs, on peut aussi y voir une fresque délirante et poétique à la gloire de l’Opéra et de la forêt Amazonienne. 

 

Sources :

- Fitzcarraldo, film produit et réalisé par Werner Herzog, 1982.

- Werner Herzog, « Conquête de l’Inutile », Editions Capricci, 2008.

Burden of Dreams, documentaire de Les Blank, 1982.

 

Quelques gros plans du vapeur en vue de son dessin.


Tribord-avant.-copie-1.JPG

A la "remonte" (vocabulaire de marine "d'eau douce") 

Dans-la-jungle-JPG

Dans la jungle

Dans-la-montagne-JPG

Dans la montagne

Dans-les-rapides-JPG

Dans les rapides

Au-retour-JPG

Au retour

 


La réalisation :

 

Dans un flacon de laboratoire du début du XXe siècle de 5 litres (Ø 15 cm, longueur 40cm, Ø de passage du goulot 4 cm.)

La scène est conçue selon le principe de l’échelle sensible. Les parties remarquables : personnages, figure de proue (Aïda, esclave éthiopienne du Pharaon d’Egypte et sujet de l'opéra de Verdi), parapluie, gramophone etc. sont légèrement disproportionnées, les grands arbres raccourcis. Il n’a par contre pas été nécessaire d’exagérer la tonture des ponts, déjà  très prononcée.

Le vapeur est construit en bois pour la carène ; en papier aquarelle « Arches » grain fin de 185, 300 et 640 gr. pour la muraille, les ponts et les cloisons ; en bambou refendu pour les poteaux métalliques.

 

Décomposition de la coque

Le plan a été directement dessiné sur le papier Arches, extrapolé au compas de réduction à partir des photos qui le présentaient le mieux de face, de profil et de l’arrière pour en extraire les trois cotes principales : longueur hors tout, maître bau et hauteur entre deux ponts. La longueur du flacon détermine celle du bateau. L’échelle reste approximative, ne connaissant pas la taille exacte du vapeur, estimée à environ 32 m, soit environ 7 mm.pm. et 9 mm.pm. pour les personnages).


Remarque inattendue,  c'est en étudiant les images une à une et en dessinant que j'ai repéré des différences, de détail certes, mais notables, qui paraissaient inexplicables. Bossoirs implantés à  des endroits différents, comme s'ils avaient changé de place entre Iquitos et les rapides,  petits accastillages, traces et coups sur les tôles apparaissant et disparaissant de même, etc. Le mystère c'est éclairci lorsque j'ai découvert l'existence des trois "sister-ships".

Malgré le "maquillage" identique, les trois vapeurs ont conservé quelques spécificités indécelables dans l'action mais bien réelles. Bref, le cinéma reste du cinéma, un trucage un trucage. Remarque qui n'ôte rien au grand mérite du réalisateur qui à refusé tout tournage en studio et effets spéciaux. Ce choix éthique lui a coûté d'innombrables difficultés. Tout d'abord de devoir se produire lui-même, ensuite de perdre certains de ses acteurs et collaborateurs victimes de conditions de travail et sanitaires abominables, de devoir tout recommencer après deux ans de préparatifs, un an de jungle et la moitié du film en bobines, de subir les aléas administratifs, d'immenses difficultés techniques, les conflits politico-guerriers régionaux, des rumeurs et des campagnes de presse hostiles en Europe et bien autres avatars, drames et accidents. Reste à l'écran la folie, la démesure, la vérité. 

 

Montage photo pour la vue de profil.

Ce montage photo de deux plans successifs de la marche du vapeur (aucune vue ne montre sa coque parfaitement de profil et entière dans une seule image), a permis avec les deux vues ci-dessous de reconstituer la plan avec une précision suffisante à partir des rapports longueur/largeur/hauteur.

 

Vue de la poupe pour la vue en coupe.Vue de la proue pour la vue en coupe.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sept niveaux s’empilent successivement : la coque et le pont principal avec ses poteaux métalliques et le cloisonnement des machines ; l’entrepont avec aussi ses poteaux et les boiseries des cabines passagers ; la passerelle prolongée du pont supérieur ; la timonerie et les superstructures ; enfin le toit de la timonerie, la mâture, la cheminée et sa fumée en coton hydrophile teinté et l’accastillage. Chacun de ces éléments est aussi séparé en deux demi-coques selon l’axe vertical longitudinal, sauf les cloisonnements et roufs centraux posés d’une seule pièce à cheval sur chaque demi-pont. Ainsi le bateau passe le goulot en six pièces détachées principales plus cloisons et sept divers équipements. Conçu pour les chaleurs équatoriales, il comporte un minimum de cloisons et, semble-t-il, aucun vitrage, mais de nombreuses portes et volets à claires-voies, circulation maximale de l’air oblige. Le regard le traverse presque partout de part en part. Ainsi, malgré ses formes massives, il donne une impression de finesse et de légèreté et ne masque pas complètement la végétation.

 

Prémontage.

Prémontage de la coque et des superstructures.

 

Fabrication des haubans. 

           Montage des haubans et fabrication des manches à air.


Les manches à air à partir de perles de buis, de bambou e

 

 

Découpe de la pirogue.       La pirogue.

 

 

 

 

La pirogue.

 

Les personnages.

Les personnages principaux : les Jivaros (les Machiguengas), Cholo, Urequeque, un matelot, Herzog, Molly, Fitzcarraldo, le Capitaine. Hauteur environ 15 mm. Ils sont légèrement agrandis par rapport à la taille du bateau.

 

Demi-pont bâbord, oeillets des haubans de cheminée et pi

Les oeillets de passage des bossoirs et  d'attache des haubans de cheminée.

 

Découpe et montage des canots.

 Les deux canots avant peinture


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fabrication des canots, longueur environ 22 mm.

 

Sur le toit de la timonerie

Le gramophone sur le toit de la timonerie.

 

Pour la surface du rio, coulé en résine époxi souple colorée jaune-verdâtre, de multiples couches de vernis partiellement mêlés de différentes couleurs translucides - gris métallisé, jaunâtre et verdâtre - de natures incompatibles entre elles - cellulosique, aqueuse et huileuse - permettent d’obtenir par effet d’émulsion la transparence de l’eau et les remous.

Un mélange de peinture blanche et de salive intercalé entre des couches épaisses d’Araldite Cristal forme l’écume et le sillage qui donnent le relief et le mouvement de l’eau. Ce mélange élastique n’adhère pas sur les vernis ni l’Araldite, élastique, il se rétracte en séchant et forme des ocelles qui imitent l’agitation de l’écume, il suffit de le recouvrir ensuite de colle transparente ou de vernis et ainsi de suite.  

        Séchage de l'eau du rio.

Le séchage du rio avec une pompe à air d'aquarium.


Des végétaux naturels et artificiels en papier reconstituent la forêt primaire : lichens, mousses, sphaignes, ombellifères, branches de thym, bambou  algues marines et éponges préalablement dessalées et séchées, stabilisés par imprégnation de vernis Humbrol mat. Du papier crépon compose les végétaux à larges feuilles. L’ensemble ensuite peint à la Flash et vernis mat ou satiné selon les effets voulus de luisance des feuillages. De la mousse synthétique souple teintée et hachée opacifie l'arrière plan de la forêt qui  doit avoir l'air impénétrable. Collages des végétaux à la néoprène sur l'eau et et entre eux à la vinylique sur le fond de verre.

 

 

Végétaux.Quelques uns des végétaux de la forêt : ombellifère, thym, lichens, algues marines, feuilles artificielles, plume. 

 

 

Du coton hydrophile chirurgical légèrement teinté de noir très dilué dans du solvant cellulosique simule la fumée du vapeur. Le solvant cellulosique ne colle pas les fibres de coton et lui permet de conserver son aspect vaporeux après teinture.

 

La Molly Aïda au séchage.

 

Gérard Aubry 2013.

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