"On servit, pour l'embarrasser,
En un vase à long col
et d'étroite embouchure."
Jean de la Fontaine, Le Renard et la Cigogne
Flacon trouvé dans Venise la rouge bien sur, verre de Murano,
hauteur 32 cm, Ø 13 cm, Ø intérieur du col au plus étroit 12mm.
Embarcadère avec fanaux, palines et gondole sur le Grand Canal.
Sur le chantier
La gondole est trop longue pour pouvoir pénétrer et tourner dans le ballon. Lorsque le fero (le fer) de proue touche l'eau, la poupe est encore dans le col jusqu'au niveau des dossiers des fauteuils. Il m'a fallu l'articuler avec une charnière faite d'une feuille de papier à cigarette pliée juste derrière les dossiers. Peinte en noir brillant en même temps que la coque de la gondole, la finesse du papier rend ce montage quasi invisible. En raison de la fragilité de cette charnière, je n'ai pas pris le risque de la manoeuvrer une fois réalisée. Donc pas de photo en position "ouverte", trop peur que le papier ne se déchire une fois la gondole introduite dans le flacon. Une charnière à usage unique donc.
Le gondolier tient le giròn de la rama, les deux mains collées sur le bois. La rame elle-même s'articule à son point d'appui sur la forcola (la dame de nage) par une ligature. J'ai jugé plus facile de l'introduire de cette manière. Essayer de positionner le gondolier à postériori debout sur ses deux pieds, l'aviron sur la forcole et sa pàla (la pelle) tronquée, au niveau de l'eau, soit quatre points de contact encollées à positionner en même temps au bon emplacement sans bouger pour ne pas faire de taches m'a paru trop difficile. Articulé, cela devient beaucoup moins risqué.
Détail de la fabrication d'une mouette perchée de 6 mm avec bec et pattes.
Les deux premières aiguilles à gauche sont des épingles entomologiques achetées en ligne. Pour se les procurer :
Cahurel-entomologie http://www.collections-du-monde.com
Inoxydables, elles mesurent 12 mm. de long pour 0.15 mm. de diamètre, difficile de trouver plus fin et elles plient sans casser. Elles peuvent servir pour d'autres usage tels que chandeliers de rambardes, hampe de pavillon, mât de girouette, etc ... Inoxydables, on les appelle minuties et se vendent en paquet de 500 , Ref : Minu 15-12.
On trouve aussi chez ce fournisseur, outre divers tailles d'épingles en acier et nylon, des outils très fins : pinces très fines voire extra souples, ciseaux, aspirateurs à bouche, scalpels, loupes, boites de Petri (pour ranger les perles) flacons et fioles diverses, seringues ...
Planter deux aiguilles sur une brochette en bambou. Enfiler une perle blanche (le corps) d'environ 2mm, au dessus de cette perle, plier les aiguilles à l'équerre et en opposition. Enfiler sur l'une des aiguilles une perle toujours blanche de 1 mm (la tête). Coller sur l'autre un petit triangle de papier pour la queue, engluer le tout d'une goutte de colle cyanoacrylate, couper le bec à longueur et peindre. Détacher du bambou, couper l'une des pattes à sa longueur et planter l'autre dans le support (poteau, cheminée, mât, etc.). Une paire d'ailes peut être collée pour représenter un oiseau en vol, les pattes rabattues en arrière, mais le verre est lourd et je préfère l'oiseau tout en papier pour un collage sur le verre. Une variante : en glissant une troisième aiguille horizontalement dans la tête, on peut même lui ouvrir le bec pour la faire criailler.
Longueur exacte de la mouette : 6, 5 mm. L'on voit son pied gauche non raccourci qui permet, planté dans le support, de la maintenir beaucoup plus solidement qu'un simple collage.
J'achète ces perles, parmi les plus fines en taille et en coloris, chez une antiquaire de Venise, Fondamenta Osmarin, près de l'église San Zaccaria. Une petite boutique pleine d'un bric-à-brac... de verrerie, ancienne et authentique.
Pose de l'embarcadère.
La passerelle comporte à une extrémité le panneau "Servizio gondole", à l'autre un petit fanal. Leur poteaux sont articulés sur les mains courantes avec les aiguilles (ci-dessus) pour pivots.
Il suffit de rabattre les poteaux, d'introduire l'ensemble dans le goulot, puis de les redresser à l'équerre, de les verrouiller d'un point de colle blanche, de redresser l'ensemble de l'embarcadère et de le pousser à sa place puis le coller.
Un montage "acrobatique"
Je n'ai pas eu la possibilité de prendre des clichés en cours de montage pour l'unique raison que l'attention et la concentration récessaires à une bonne réussite des opérations sont incompatibles avec la nécessité de faire des poses pour mettre le flacon et l'outillage dans des conditions de prises de vues de bonne qualité. Je n'ai donc guère que des croquis et des explications à proposer.
Première opération :
Couler de l'eau pour déterminer esthétiquement le niveau du canal, marquer à la peinture la circonférence à l'extérieur. Vider, nettoyer en remplissant partiellement de gros sel et d'eau, agiter vigoureusement, rincer plusieurs fois, la dernière avec une goutte de liquide de rinçage de lave vaisselle diluée dans l'eau. Vider, sécher avec une pompe à air. Le flacon doit être propre, sans traces autres que les petits défauts du verre.
Collage des palines et du fanal à leur place :
Pour ce faire il faut les coller avant le coulage du plâtre qui constitue l'eau du Grand Canal. A l'extérieur du flacon, marquer à la peinture l'emplacement future des palines. A l'aide d'un outil courbe déposer de l'autre coté du verre une minuscule goûte de colle néoprène. Faire la même opération sur le pied d'une paline, laisser sécher, puis l'introduire tête en haut, et la pousser progressivement jusqu'à mise en contact des deux pointes de colle. Déposer alors une goûte de colle vinylique sur le point de contact, et retourner le flacon cul par dessus tête. La néoprène fait charnière, la paline pend verticalement, la vinylique durcit le collage. Recommencer avec une autre paline, et ainsi de suite. Une légère inclinaison sera ensuite éventuellement donnée à certaines d'entre elles pour plus de souplesse et de réalisme.
Le plâtre est maintenant coulé jusqu'à atteindre le niveau repéré, laisser prendre et sécher de nouveau avec la pompe, environ deux semaines dans ce cas.
Passer maintenant une couche de vernis acrylique, sécher sans trop approcher la durite, l'air pourrait faire blanchir le vernis. Le plâtre absorbe beaucoup de vernis, recommencer l'opération jusqu'à obtenir une brillance complète. Attention aux petites éclaboussures qu'il serait très difficile, voir impossible, de nettoyer selon les endroits.
Introduction de l'embarcadère articulé, redressement des parties verticales, collage, redressement de l'ensemble, poussage jusqu'à son emplacement et collage des poteaux.
Un essai d'introduction est fait dans un tube de papier enroulé à un diamètre identique au plus étroit du goulot. Ça passe très juste, pas sur toute la longueur de la gondole dans le tube d'essai, mais le goulot s'élargit vers le haut ce qui gagne une marge de quelques millimètres. Une fois la proue sortie du goulot, la poupe avec le gondolier devrait suivre, le milieu étant moins haut que les fers.
1 2 3
Une fois la gondole introduite, retenue par un fil préalablement passé dans le fer de poupe qui forme un anneau (1), on incline le flacon à l'horizontal (2), chavirée cul par dessus tête, sa proue bascule toute seule lorsqu'elle émerge du col (3). En retournant le flacon et en relâchant la suspente, la poupe descend et se rabat d'elle même. La suspente, passée à double, est alors retirée.
Redressement et collage de la gondole
Le gondolier est maintenant collé par les pieds sur le tapis, la gondole poussée à sa place, une grosse goute d'Araldite cristal glissée sous sa coque, deux bambous courbes appuient de manière à refermer la "charnière" dans laquelle la colle a pénétré par capillarité.
Il ne reste maintenant qu'à descendre suspendu à un fil le couple d'amoureux - déjà enlacé - et à le coller sur les sièges et à coller sur l'eau la pelle de l'aviron. Quelques très petites taches pourront être grattées sur le verre, deux autres, inaccessibles, non. Rien n'est parfait.
Un bouchon de liège conique ferme le goulot. Doré à la feuille, il rappelle la décoration déjà réalisée en feuille d'or écartelée et soudée par fusion sur le verre du pied lors du tournage par le verrier.
Un pinceau souple articulé
Un fil court le long d'un manche en bambou refendu pour le rendre flexible. Tendu, il courbe le bambou comme le scion d'une canne à pêche. Le tube vert simule pour la photo le goulot du flacon. On introduit le pinceau dans le goulot, en tirant sur le fil, le scion plie et le pinceau peut atteindre la périphérie du flacon autrement inaccessible. On relâche et l'on peut ressortir le pinceau. Attention aux taches en ressortant.
On peut remplacer le pinceau par un crochet, un grattoir ou un fragment de lame de cutter.
Le même principe est utilisé pour effectuer les collages, à cette différence que l'élasticité naturelle du tube de laiton qui fait office d'aiguille remplace le fil de traction (Ø intérieur 1mm, extérieur 1.5 mm). Il pénètre en forçant son redressement et sa courbure se reforme dès qu'elle est libérée dans le vide du flacon. L'on peut alors déposer une goûte de colle n'importe où pour peu que l'on dispose de plusieurs "aiguilles" de courbures différentes. Pour ne pas faire de tache sur l'eau ni dans le col, il faut aspirer la goutte qui perle sur l'extrémité du tube avant de le ressortir. Des bambous affinés et courbés permettent de la même manière de déplacer les objets.
Quelques outils "élastiques" : deux bambous refendus, baleine de parapluie avec crochet, seringue et aiguille en laiton, pinceau sur bambou, seringue et aiguille en nylon.
Aperçu du rayon d'action du pinceau