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En hommage à André Franquin.   

 

Le Sommeil Royal terminé - BAT 

 

"Le Sommeil Royal", Vaisseau pour rire, d'après un dessin original d'André Franquin.

  

Définition :


"Gaffe,  de l'ancien provençal  gaf, "crochet, perche",

(attesté au XIVe siècle) dérivé de  gafar, "saisir", lui-même du gotique gaffon, "id", ...  

Perche munie d'un croc et d'une pointe.

Désigne un instrument comprenant un manche au bout duquel se trouve un croc, qui sert à attraper un objet ou un poisson quelconque, à récupérer un homme à la mer, ou à déborder un navire à quai d'un ponton ou d'un autre navire...

Faire gaffe signifiait à l'origine, très logiquement, "se tenir à distance d'un danger grâce à une gaffe"...

Gaffe désigne également une action, une parole, maladroite ou intempestive lièe à une méconnaissance ou à un oubli de la situation. Il s'agit d'un comportement dont les conséquences ne sont jamais très lourdes. Synonyme : bévue, bourde, boulette.

En ce qui concerne cette acception, et celle des expressions faire, commettre une gaffe, ou du verbe gaffer, le sens de "maladresse, bévue, impair" semble s'être développé dans la langue des marins, peut-être par allusion aux brimades auxquelles étaient soumis les débutants ou le mousses."


Pol Corvez, Dictionnaire des mots nés de la mer,  Édition Le Chasse Marée.

 

Quel meilleur hommage pouvais-je rendre à Gaston, Roi des Gaffeurs, et à son père, que de le mettre en bouteille ?

Le flacon, (très ancien, peut-être du XVIIIe siècle ?), déniché et acquis à prix d'or dans les années 80 au Louvre des Antiquaires parce qu'il ressemblait vaguement à la chopine de rhum que le Capitaine Haddock remonte de l'épave de la Licorne - quand on est autodidacte et rêveur impénitent, on garde toute sa vie les références de ses dix ans - resta  à s'empoussiérer plus de quinze ans sur une étagère.  Sa forme et sa teinte sombre le rendaient peu apte à recevoir un bateau - ou quoi que ce soit d'autre... jusqu'à ce que je découvre par hasard ce dessin d'André Franquin publié dans une collection intégrale reliée éditée par Rombaldi. Je ne me suis permis que trois petits ajouts au titre d'accessoires :  les mentions " Sommeil Royal" et "Lisez Spirou" sur les pavillons de mâts, "Dossier urgent" sur les rouleaux de papier crachés par la batterie, plus quelques ouvrages et une bouteille à message de détresse tombés ou jetés à la mer.

 

Le-dessin-original-de-Franquin---BAT.jpg

© André Franquin, Edition intégrale, Rombaldi.


La silhouette générale et l'originalité de cette réjouissante vision du grand large ont réveillé le souvenir dudit flacon qui m'apparut aussitôt comme l'écrin qui n'attendait que de pouvoir héberger ce petit bijou d'humour tendre qui concilie avec bonheur l'aventure maritime et le "travail" de bureau

Sur ce dessin, et si l'on en croit Pol Corvez, le lien entre roi des gaffeurs n'est donc pas simplement un lien de circonstance, de situation,  il est organique. Il remonte au gotique, la langue des Goths. Et il remonte à l'âge d'or de la marine à voiles, à un instrument qui sert aujourd'hui encore à crocher, à pousser, à haler, à sonder, à déborder... et, en un sens, dérivé - c'est le cas de le dire - des fautes d'inexpérience des mousses.


Le reconstitution de Björn Landström -BAT

 © Björn Landström, Bateaux, Editions du Compas.


Autre réminiscence, plus confuse : le fringant vaisseau  ne m'était pas totalement inconnu.

Après quelques exercices de remue-méninges, j'ai cherché dans le livre du norvégien  Björn Landström : Bateaux, publié aux éditions du Compas, sensiblement à la même époque que le dessin  de Franquin et j'y ai tout naturellement trouvé page 123 cette reconstitution d'un vaisseau de la fin du XVIe siècle d'après un plan gravé du port d'Amsterdam .

Regardez bien, tout y est identique, la caricature en moins. Difficilement visibles sur le dessin de Franquin, mais bien présents, et pour preuve : les losanges des motifs décoratifs des châteaux avant et arrière permettent de supposer raisonnablement que l'humoriste, qui possédait une importante documentation, s'en soit directement inspiré, les publications datent toutes deux du début des années 60.


La construction du navire posait surtout le même problème de transposition que le modelage de la Vague d'Okusaï avec la vue du Mont Fuji ou l'édification du clocher de l'église Sainte Catherine de Honfleur, tous deux à l'arrière plan (voir dans les albums) et contrariés par la remontée en encorbellement de la voûte du verre : comment adapter un dessin en deux dimensions à une réalisation en trois dimensions. Comment reproduire en volume de façon convaincante les libertés prises par un dessinateur avec les lois de la géométrie dans l'espace tout en étant bridé par la forme du flacon ? Comment représenter en trompe l'oeil sur quelques centimètres de profondeur les éléments qu'un dessin permet de mettre en perspective du premier plan jusqu'à l'horizon. 

Par exemple : la grande hune où Gaston sommeille indifférent à son entourage, a dans la réalité et à cette époque, la forme d'une baille, un tronc de cône inversé, composée de planches - les fronteaux ou paniers de mâts. Son plancher circulaire est percé au centre pour le passage et l'assemblage du grand mât avec le  mât de hune. Un vide latéral appelé "trou du chat" est laissé de part et d'autre entre le plancher et les mâts afin de permettre le passage des haubans qui sont capelés juste au dessus. Franquin, pour pouvoir y installer confortablement notre royal dormeur, a complètement décentré la hune vers l'avant. Pour reproduire le même effet sans trahir la représentation voulue sur le dessin et pouvoir y coucher le personnage, il faut aussi décentrer la hune vers l'avant du navire, mais aussi en l'avançant vers le spectateur, c'est-à-dire à tribord, et lui donner la forme d'une ellipse afin d'éviter qu'un encorbellement excessif vers tribord  ne vienne déséquilibrer l'harmonie de la mâture. Cette forme évite par ailleurs de devoir la couper en deux pour passer le goulot.

   

 Le-dessin-original-de-Franquin---Copie.jpg     Essai-de-premontage---Copie--2-.jpg

 

© André Franquin, Editions Rombaldi.

 


                                   Sans-titre.jpg

 

                                                  Vue schématique de la grande hune                                                                                                          montage normal               montage réalisé. 


A cela se rajoute la nécessité de pratiquer un accès latéral aux mâts, qui, équipés des vergues, voiles et cordages,  ne peuvent pas passer par le trou du plancher.

 

Un autre problème difficile à résoudre lors du passage du dessin au 3 D : la "Ligne claire".

La ligne claire caractérise une technique de dessin qui consiste à tracer d'un trait fin noir les contours des sujets puis à remplir les espaces ainsi cernés d'aplats de couleur. En fait, cette méthode permet au dessin de se passer totalement de la couleur. Elle résulterait de contraintes liées aux techniques d'impression du tout début du XXe siècle (Bécassine, Zig et Puce ...) et a été particulièrement développée par Hergé et l'école Belge. Puis, vers les années 80, le dessinateur Hollandais Joos Swarte à théorisé et inventé l'appellation "Ligne claire".

 Tous les détails remarquables doivent donc, pour apparaître, être dessinés à l'encre : contours, plis, accidents divers, que ce soit sur la représentation des êtres vivants comme celle des objets et des paysages. 

Lorsque l'on entreprend de transposer les dessins en modelages en ronde-bosse, il n'est plus possible de cerner en noir,  la tête d'un personnage, par exemple, et il devient possible de représenter les volumes, les plis en se passant du trait.

Oui mais... les innombrables commercialisations des personnages de BD, tout comme d'ailleurs certains traitements en dessin animé, font disparaître  le trait noir devenu techniquement "inutile". Le personnage n'est plus que couleur, telle une aquarelle, et le passionné que je suis d'un style précis, personnalisé par l'auteur, ne l'y reconnait pas. La "patte" du dessinateur, toute dans son coup de crayon disparaît pour ne laisser que ses créations un peu désincarnées, amollies par le moulage, affadies, décevantes. C'est du moins ce que je perçois personnellement lorsque je les regarde, à quelques exceptions près, il y a quand même de belles réussites.

Afin d'essayer de me rapprocher le plus possible de l'effet du dessin ligne claire de Franquin, j'ai pris le parti de rajouter, partout où cela était possible, les traits ou des points noirs par dessus la couleur, même lorsque le volume marque déjà l'élément : par exemple les paupières en relief sont surlignées en noir, et ainsi le trou des oreilles, la fente d'une bouche fermée, les plis des vêtements, les passages d'une couleur à une autre sur un même personnage, le bord d'un vêtement sur la peau, etc...

Bien sur, il n'est pas possible de cerner une tête, une main, un corps tel que sur un dessin. Le rapprochement n'est donc jamais parfait. Mais en prenant soin de calquer au plus près, je n'ose pas dire servilement mais fidèlement, le style du trait d'un dessinateur, on peut ainsi récupérer une partie de son coup de patte sans lequel ses personnages perdent une partie de ce qui fait leur charme. Le but n'étant pas de faire du Gérard Aubry avec du Franquin ou de l' Okusaï, mais de transposer les styles de maîtres géniaux en les respectant autant qu'il est possible de le faire.


11--Essai-de-premontage---Copie.jpg

 

La mouette rieuse et Lebrac, le chat dingue, Prunelle et Gaston. 

© André Franquin.


Modelage-des-tetes---BAT.jpg

 

Les personnages sont modelés en pâte  synthétique cuite au four ménager à 130° C. 

De gauche à droite : Lebrac, Prunelle, Jeanne et Gaston.  © André Franquin.


Un squelette en fil de fer constitue l'armature du corps. Les membres et la tête se démontent, si besoin, pour passer le goulot.

 

 

Melle-Jeanne-et-sa-chevelure--BAT.jpg


La figure de proue :  Mademoiselle Jeanne et sa chevelure. Il manque la trompe.

© André Franquin.

 

Haubans-et-enflechures-avant-decoupe---BAT.jpg

L'ensembles des haubans munis des enfléchures en cours de découpe après montage sur un cadre en bois piqueté d'épingles équidistantes, et encollage. 

 


La fabrication des livres - Copie

 

La fabrication des livres avec les pages d'un bloc de papier à lettres encollé et du Canson de couleur. Les textes et les dessins sont ensuite esquissés à l'encre de Chine sur les pages et la couverture.  

 

 

31-groupes-d-elements--avant-montage.---BAT.jpg

 

© André Franquin


La coque est réalisée en plusieurs morceaux dans du papier aquarelle Arches de 800 à 300 gr. d'épaisseur, mis en forme et plastifié à la colle cyanoacrylate.

Cela fait 30 éléments principaux, constitués de 1 à 100 pièces chacun environ, maintenant prêts à l'assemblage dans le flacon.  L'on voit, au dessus de Gaston, la grande hune, elliptique pour loger le personnage et décentrée et échancrée pour passer le grand mât. A contrario,  à l'avant, la hune de misaine, plus étroite, est déjà solidaire du gréement. 

 

Petite anecdote, "Technique et sensibilité".

Acte 1 :  sur le dessin, la mouette rieuse lorgne .... par le gros bout de la lorgnette, justement.

Tandis que Lebrac, qui regarde classiquement par le petit bout, ne voit - à bout portant donc - qu'un oeil démesuré qui l'horrifie ! 

Acte 2 : pour relier les trois pièces, j'ai dû construire le bec de l'oiseau autour d'une aiguille de couturière, fabriquer la lorgnette de la même manière, et laisser vide la cavité oculaire droite de Lebrac. Parvenu à l'essai d'assemblage, j'ai  planté l'aiguille du bec dans la grosse lentille et l'aiguille qui sortait de la petite lentille dans le trou - borgne - de l'oeil ... avec un petit cri  de répulsion instinctive et irrépressible de ma compagne horrifiée par ce geste, à l'instar du spectateur qui voit - même pour la énième fois - la  scène d'anthologie du film de Luis Bunuel et Salvador Dali  Un chien andalou,  dans laquelle Bunuel lui-même, armé d'un rasoir de coiffeur, fend le globe oculaire de la jeune fille. 


Essai-de-premontage---BAT.jpg

 

Un prémontage permet à l'extérieur de vérifier le bon assemblage.  


 

 

L-assemblage--dans-la-bouteille---BAT.jpg

 

La coque installée ainsi que l'artimon.

Le grand mât passe le goulot, les voiles enroulées.  


 

9--Le-feu-du-canon.jpg

 

Le feu du canon en silicone coloré extrudé d'une seringue et la fumée en coton hydrophile.

 

 

                           Vue de profil, gîte du verre et du navire - BAT-copie-1

 

Heureux hasard : la forme inclinée du flacon intègre parfaitement la gîte du voilier. 

 

La-couverture-de-Spirou-BAT.jpg

 

 André Franquin, humour et bateau en bouteille.

La couverture du Journal de Spirou N° 1194, du 2 mars 1961.

© Editions Dupuis  

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